A l'évidence, il existe un "problème Rom" mais cela n'est ni nouveau, ni étonnant.
Pas étonnant, en ce sens qu'avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union Européenne, les minorités Roms, jusqu'alors maintenues dans un état de soumission et d'assignation à résidence par les anciens pouvoirs politiques autoritaires, aient, avec l'ouverture à l'Europe, redécouvert le goût de la liberté. Leur condition de "non sédentaires" et l'errance à laquelle ils sont contraints n'ont pu que les inciter à reprendre la route et à circuler dans un espace élargi-l'Europe- où ils ont, à l'évidence, du mal à se territorialiser tant les motifs économiques, culturels et sociologiques les incitent au voyage.
Sans doute fallut-il que l'Europe ne fût pas agrandie à la hâte et que l'on se préoccupât de ce problème en son temps.
Pas nouveau en ce sens que cela fait des années que l'on a vu apparaître en France et s'amplifier un phénomène de mendicité généralisé opéré par les femmes et les enfants Roms, dans les centres villes ou dans les transports en commun.
Pas nouveau non plus la création de bidonvilles, colonisant les terrains vagues à la périphérie des grandes agglomérations où, dans des campements de fortune, alternent caravanes en piteux état et cabanons en bois. Là, dans l'indigence et la précarité se sont fixées des communautés familiales qui, fuyant la misère de leur pays, sont venues chercher la liberté et des conditions de vie qu'ils croyaient meilleures en France.
Parce que le problème n'est pas nouveau, parce qu'il était prévisible, parce qu'il concerne aujourd'hui une communauté estimée à 15 000 personnes, il est certainement temps de prendre le problème à bras le corps. Mais au vu de ce qui se passe actuellement l'on est en droit de s'interroger sur l'opportunité de l'action gouvernementale et sur la finalité recherchée. Quant aux dispositifs mis en œuvre ils ne peuvent que nous interpeller et nous renvoyer vers les images de jours sombres et honteux que l'on espérait ne plus jamais connaître.
S'il s'avère plus que jamais nécessaire de se pencher sur le problème, rien ne saurait justifier l'empressement, voire la hâte et la précipitation avec lesquels le gouvernement s'est emparé du dossier. Certes personne n'est dupe qu'il peut y avoir là une manœuvre visant à créer un écran de fumée médiatique destiné à occulter quelques turpitudes gouvernementales. Braquer les feux de l'actualité sur l'insécurité peut en effet avoir pour effet, entre autre, de faire oublier la piteuse affaire Woerth.
La ficelle est certes grosse mais les français y sont habitués et cela ne trompe personne.
Là où les choses deviennent plus graves c'est lorsque, au nom de la sécurité on stigmatise une communauté, la rendant globalement responsable des actes d'incivilité et de délinquance dont les français sont victimes. Les problèmes d'intégration existent, ne nous voilons pas la face, ils sont évident et indéniables, mais on ne saurait accepter le principe de l'amalgame qui vise à rendre responsable de tous les maux de notre société, les plus misérables, en l'occurrence les populations Roms en les désigner comme autant de boucs émissaires.
Comment peut-on sérieusement reprocher à une communauté, comme celle des Roms, de méconnaitre ce que nous appelons "les devoirs du citoyen" alors qu'il s'agit de populations qui n'ont survécu qu'au prix de la violence et qui, malheureusement trop souvent illettrées, méconnaissent le message des Lumières, ignorent la notion d'Etat et les valeurs de la République.
En transformant les camps de Roms en autant de paratonnerres où s'abattent les foudres sécuritaires d'un gouvernement à la dérive, le Ministre de l'Intérieur crée de toute pièce un écart identificatoire entre ceux qui seraient de bons français, d'honorables victimes et une minorité, certes peu ou mal intégrée, mais que l'on voudrait stigmatiser comme seule coupable et responsable de l'ultra violence ambiante.
Agir de la sorte n'est ni sérieux ni honnête intellectuellement, pire, cela relève de la manipulation, de la recherche d'une adhésion populaire, voire populiste, ayant pour objectif de faire peur et de diviser les français. Mais à agir de la sorte c'est prendre le risque, en perturbant les consciences, de fragmenter notre société, de la faire éclater sur des points de clivage manichéens : les bons et les mauvais. On imagine aujourd'hui qui sont les mauvais mais qu'en sera-t-il demain, qui désignera-t-on ? Qui montrera-t-on du doigt pour être l'objet de la vindicte populaire ? On se souvient qu'en d'autres temps on a aussi suscité et attisé la haine envers d'autres minorités...
L'action engagée contre les Roms, et par extension contre les gens du voyage, relève, à l'évidence d'une manœuvre de diversion conduite de façon opportune et habile par le gouvernement, mais la discrimination qu'elle induit à l'égard d'une minorité va à l'encontre du besoin actuel de rassemblement et de solidarité dont notre société à tant besoin face aux angoisses du siècle, aux inquiétudes internationales, aux difficultés économiques et sociales du moment.
Que dire maintenant de la finalité ? A écouter les Ministres en charge de ce problème, l'objectif est d'expulser et de reconduire dans leurs pays d'origine les Roms qui ne sont pas en situation régulière. Le vent de haine que l'on a fait souffler contre les étrangers, les non sédentaires, les clandestins, les sans papiers trouve dans l'expulsion des Roms un assouvissement inespéré. Images à l'appui, on flatte les instincts xénophobes les plus vils, on rassure les couards, on érige la répression en affirmation d'une autorité politique pourtant bien défaillante.
Mais à y regarder de plus près, derrière les gesticulations médiatiques, se cache une réalité quelque peu différente...On pourrait penser que les Roms bénéficient du statut de citoyen européen, ce qui leur conférerait un certain nombre de droits, dont la libre circulation. En fait depuis l'adhésion en 2007 de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union, a été mis en place un régime restrictif de circulation et ce pour une durée de 7 ans.
Le dispositif, quelque peu pervers, veut que les Roms puissent venir librement en France mais, une fois sur place, ces derniers doivent obtenir une autorisation spéciale pour pouvoir travailler et l'employeur potentiel doit s'acquitter d'une taxe, ce qui est, reconnaissons le, dissuasif.
Comment s'étonner dès lors que la situation puisse être autre que celle que l'on constate actuellement. Peut-on imaginer qu'il y ait intégration avec un dispositif de frein à l'emploi ? Peut-on imaginer que les reconduites à la frontière, pourtant massives, puisqu'elles ont concerné plus de 9000 Roms en 2009, dissuadent les candidats au retour dans la mesure où la misère qui est la leur en France est moins insupportable que la situation qui prévaut dans leur pays d'origine ?
L'inefficacité inavouée du dispositif n'a donc d'égal que sa médiatisation. Le but recherché n'est donc pas de résoudre le problème des Roms, mais bien d'instrumentaliser des groupes sociaux défavorisés en en faisant l'objet de discriminations, de ségrégations, les rendant ainsi responsables d'une insécurité que le gouvernement peine à conjurer.
Ne nous y trompons pas l'économie de marché, instaurée au sein de l'Union sous une forme néolibérale, n'a pu que contribuer à marginaliser les groupes ou les communautés les plus défavorisées. C'est le cas des Roms. Un véritable règlement du problème passe non par des gesticulations sécuritaires à la française, mais par de véritables solutions économiques et sociales transnationales.
Enfin quelles réactions avoir face à des images de violence où l'on voit séparer les hommes des femmes et des enfants ? Comment soutenir le regard d'êtres apeurés ? Comment tolérer le recours à des méthodes aussi brutales qui ont le goût amer du déjà vu et déjà vécu ?
Aujourd'hui des hommes d'église, des hommes politiques de droite rompent, avec courage, un silence embarrassé pour dénoncer de telles pratiques.
En ce qui me concerne j'aimerai entendre dans le concert de désapprobation naissant, s'élever les voix fortes d'hommes de gauche, celles des élus du peuple, des militants, des intellectuels engagés.
Comme j'aimerai, qu'au nom de nos consciences individuelles, mais aussi au nom des valeurs républicaines et humanistes qui nous rassemblent, nous soyons nombreux à retrouver, au nom de l'honneur, le sens de l'indignation.
Face à ceux qui voudraient que la misère des Roms, dérangeante pour certains, insupportable pour d'autres, ait valeur de provocation et/ou d'exorcisme face aux angoisses d'un gouvernement dans la tourmente, nous avons le devoir de nous mobiliser.
Sans concession nous devons, sans délai, nous opposer aux idées et aux hommes qui incarnent une politique d'affrontement et de haine qui, bafouant les droits de l'Homme, est celle de la honte ; une politique dont l'Histoire aura à juger et dont nous ne saurions être les témoins passifs.
Sans doute parce que les Auvergnats sont trop nombreux ils ont, plus que tous les autres, le devoir de réagir et d'interpeller le Ministre de l'Intérieur !